Bon, petit lecteur chéri, maintenant qu’on a passé un peu de temps ensemble, on pourrait faire un peu connaissance, non ? Si. Je commence.

J’ai une peur panique des insectes. Et quand je dis panique, ça veut dire que quand je vois une de ces horreurs sur le mur de ma chambre, je mets dix minutes à réussir à m’en approcher, tremblante, un mouchoir à la main, puis me mets à pleurer toutes les larmes de mon corps parce que la créature du démon a échappé à mon deadly tissue (comme je les appelle affectueusement) pour voleter gaiement dans toute la pièce. Ca se finit généralement en sanglant corps-à-corps (et si c’est un moustique, c’est lui qui gagne, généralement), et par une remarque adorable du prof de littérature le lendemain « Bah alors, t’as pas dormi hier soir Victoire ? » Bah non, j’avais un insecte dans mon espace vital. Ce qu’on appelle communément (ou pas) entomophobie est donc, à peu près, handicapante. Prenons un autre exemple concret : l’autre jour, j’étais à mon cours de batterie. Déjà, je jouais pas vraiment bien (comme un pied de chaise, à vrai dire), parce que j’étais fatiguée, et un peu aussi parce que je suis infoutue de jouer la bossa-nova. Et là…

Un insecte est sorti de derrière mon manuel.

Comme ça, j’vous jure. Genre « ah tiens, salut, t’as pas peur j’espère ? Ah bah si, j’vais rester alors, et faire un petit tour pile sur la partition que t’es en train de jouer ». Et là on peut faire une activité très drôle : jouer de la batterie en tremblant comme une feuille, les yeux (paniqués) suivant la bestiole immonde (sisi, c’est laid un insecte) au lieu de la ligne de partition. Amusement garanti. « Mmh, ta grosse caisse elle est un peu décalée, mmtuvois… » (Nan, sans rire ?) fit le prof, qui ne comprit que (et encore, pas sur qu’il ait compris même à ce moment là) quand je pris mon courage à deux baguettes et commençai à fracasser mon livre. Bataille épique dite de la « Ligne de Cha-cha 1 », auquel l’insecte (non-identifié, soit dit en passant, à part les papillons, les fourmis et les coccinelles, je suis incapable de mettre un nom sur ces horreurs à six pattes) a survécu, le bâtard.

Et encore aujourd’hui, mes nerfs furent rudement mis à l’épreuve, à la vue d’une espèce d’hybride entre un papillon de nuit et une mouche (une mouche triangulaire, quoi) errant autour de mon verre de jus d’orange. Bataille moins épique du Tropicana, l’offensive fit cette fois une victime du côté des salauds à squelette extérieur (on peut leur donner plein de noms, à ces trucs), au détriment du jus d’orange, qui repose maintenant, paix à son âme, au fond de la nappe.

Paix à mon âme aussi, parce que ma mère, elle est pas trop pour que son linge de maison soit un mutilé de guerre.